Pierre Bayard, « Aurais-je été sans peur et sans reproche ? Le Chevalier Bayard et moi »


"Je me suis souvent demandé comment mon ancêtre le chevalier Bayard – réputé sans peur et sans reproche – avait pu sereinement, au fil de ses batailles, tuer des centaines de personnes innocentes.
Afin d’expliquer ce mystère et de savoir comment je me serais moi-même comporté si j’avais vécu à son époque, je ne vois qu’une solution : voyager dans le passé à sa rencontre, discuter avec lui et ses contemporains en tentant de comprendre leur mentalité et, s’il accepte de m’écouter, lui faire entendre raison".

On peut lire sur en-attendant-nadeau.fr un billet sur cet ouvrage :

"Au départ et au cœur du livre, présenté comme « un exercice de pensée », il y a les guerres d’Italie, atroces, sans autre mobile que les appétits conquérants des rois, où ils ont tout perdu, y compris l’honneur allégué. Et une question : comment ce chevalier sans peur et sans reproche dont l’auteur se targue de descendre a-t-il pu tuer autant d’hommes, bravant l’interdit du Décalogue, et étouffer sa conscience de chrétien ? 

Pierre Bayard rejette les thèses évolutionnistes qui expliqueraient la chose par un défaut d’individualisation, d’empathie, comme si les sentiments humains n’existaient pas avant la Renaissance, et entreprend de démontrer le contraire à l’aide des textes littéraires qui ont formé les principes courtois et chevaleresques médiévaux. Par le biais d’un personnage-délégué, frère cadet du chevalier devenu moine bénédictin, il complète les propos de son ancêtre putatif par des interpolations dans le style et l’orthographe archaïque de sa source principale, Jacques de Mailles, qui fut le compagnon d’armes et le secrétaire du chevalier. Procédé astucieux – irritant ou stimulant, chacun en jugera.

Dans Les enfants du Bon Dieu d’Antoine Blondin, un professeur d’histoire, las d’enseigner chaque année les mêmes faits aux mêmes dates du calendrier scolaire, décidait un jour de ne pas signer le traité de Westphalie, et réorientait l’histoire de l’Europe. Le moine opère le même coup de force quand son héros connaît un conflit de loyauté : doit-il rompre son allégeance ou rester fidèle au roi qui a commis une grave injustice ? Le Bayard de cet univers alternatif suit son ami trahi, le connétable de Bourbon, et se rallie à Charles Quint. Ainsi, quand le connétable est tué, c’est Bayard qui reprend le contrôle de l’armée, et empêche le terrible sac de Rome par les troupes impériales. Résultat, nombre de vies humaines et d’œuvres d’art sont épargnées, et il n’y a plus lieu de commander à Michel-Ange la fresque de la Chapelle Sixtine." — Dominique Goy-Blanquet