07-09/03/2024. Colloque "Hériter ?"
COLLOQUE INTERNATIONAL
Mouvement Transitions (Sorbonne Nouvelle EA 174)
Hériter ?
Conception et organisation : Eva Avian, Augustin Leroy, Hélène Merlin-Kajman, Tiphaine Pocquet
7-9 mars 2024
En plaçant ce colloque sous le signe d’un verbe plutôt que d’un nom, nous ne souhaitons pas seulement interroger la question, aujourd’hui brûlante, de l’héritage, ni seulement celle de la transmission, consciente et inconsciente, mais aussi, et même surtout, celle de l’acquiescement au passé : puisqu’un héritage peut se refuser, c’est qu’il peut aussi s’accepter. Ainsi, proposer le verbe « hériter » à la réflexion plutôt que le nom « héritage » voudrait attirer l’attention sur notre liberté face aux héritages culturels : liberté d’y choisir ce qui nous importe, de les modifier pour les relancer, de nous retourner contre certains d’entre eux.
A sa création en 2010, notre mouvement Transitions avait déjà inscrit cette préoccupation dans son manifeste. Douze ans plus tard, nos convictions n’ont pas changé. Elles ont même été renforcées par notre travail de réflexion et d’écriture : notre approfondissement du concept de transitionnalité nous persuade qu’hériter est consubstantiel au petit humain, lequel ne peut ni se dresser sur ses jambes, ni jouer, ni parler sans un lien actif aux adultes. Mais, réciproquement, il faut qu’il rencontre, chez les adultes, un désir de transmettre. Hériter n’est en ce sens qu’un cas particulier du don, comme l’indiquent les nombreuses langues où le même verbe signifie à la fois « donner » et « prendre ».
Cependant, comme l’ont souligné les travaux d’H. Merlin-Kajman, les cultures n’organisent pas toutes de la même manière les conditions de cet héritage, ni la liberté d’en disposer ou de le refuser. Certains dispositifs culturels entretiennent des héritages de désastres qui acculent à la haine du passé, voire, au présent et pour l’avenir, à la haine de l’autre. Une culture fondée sur la transitionnalité doit au contraire ménager aux humains un large espace d’inventivité destiné à les doter des ressources subjectives nécessaires pour choisir, ajuster, transformer ce dont on hérite, en lien avec les autres, désaccords et conflits compris.
Autant dire que la liberté n’est pas un acquis, une valeur ou une vertu transhistorique. Elle n’est rien de plus qu’un simple possible anthropologique culturellement rejeté et combattu par certaines sociétés, investi, protégé et transmis par d’autres.
Comment se représenter ce paradoxe ? Que faire aujourd’hui pour veiller sur les constructions culturelles héritées qui la favorisent ?
La question vaut pour l’ensemble des sciences humaines et sociales, et chaque jour du colloque une session leur sera consacrée. Mais le colloque réunit surtout des chercheur.se.s en « littérature » en raison de sa place encore centrale dans la culture.
Centrale, mais chahutée. Nous nous interrogerons sans faux-fuyant sur ces turbulences, tout en cherchant à explorer les concepts propres à relancer une pensée de l’hériter, voire de l’(H)istoire, appropriée aux défis de notre temps.